Les banques centrales accusées d'être à l'origine de l'inflation
Graeme Wheeler, l'ancien gouverneur de la Banque de Réserve de Nouvelle-Zélande, vient de cosigner un article intitulé « Comment les erreurs des banques centrales après 2019 ont conduit à l'inflation ».
Par Sophie Rolland
La flambée de l'inflation à travers le monde a-t-elle été provoquée par les politiques monétaires ultra-expansionnistes mises en place pendant la pandémie ? L'ancien banquier central de Nouvelle-Zélande, Graeme Wheeler, en est convaincu et il dit haut et fort ce que beaucoup pensent tout bas.
Avec Bryce Wilkinson, du think tank « New Zealand Initiative », il vient de publier un article intitulé « Comment les erreurs des banques centrales après 2019 ont conduit à l'inflation ». La charge est d'autant plus cruelle que Graeme Wheeler a, lui-même, été gouverneur de la Reserve Bank of New Zealand (RBNZ) pendant cinq ans, jusqu'à fin 2017.
Erreurs de jugement
« La principale cause des pressions inflationnistes réside dans les erreurs de jugement commises par les banques centrales dans la conduite de la politique monétaire pendant la pandémie de Covid », écrivent les deux auteurs. « Si l'invasion de l'Ukraine par la Russie a accentué la hausse des pressions inflationnistes, les prix des matières premières étaient déjà élevés en raison de l'expansion mondiale rapide des liquidités et de la dette. »
Pour eux, les instituts monétaires devraient reconnaître qu'ils ont trop stimulé leurs économies, par des baisses de taux et une politique d'assouplissement quantitatif. La plupart d'entre eux ont poursuivi les achats d'actifs « alors qu'il était clair, au vu du resserrement du marché du travail et de la hausse des rendements obligataires à partir de la fin 2020, que leurs économies étaient plus robustes que prévu et que les pressions inflationnistes commençaient à se développer », expliquent Wheeler et Wilkinson.
Crédibilité des banques centrales
Ce mea culpa serait, selon eux la seule façon de restaurer la crédibilité des banques centrales et de regagner la confiance du grand public. « Les banquiers centraux doivent réfléchir profondément à la gestion de la politique monétaire de ces deux dernières années, revoir leurs modèles, les hypothèses sur lesquelles ils ont bâti et les conclusions qu'ils en ont tirées », écrivent-ils. « Les réponses banales du type 'nous ne regrettons pas', 'nous ne ferions pas différemment' et 'il n'y a pas d'alternative' sont irresponsables et entament encore plus la crédibilité des banques centrales. »
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Les auteurs critiquent aussi la prise en compte croissante d'autres objectifs que la stabilité des prix et la stabilité financière. « Confiantes dans leur capacité à maintenir une faible inflation, les banques centrales ont commencé, ces dernières années, à détourner leurs ressources vers d'autres sujets tels que le changement climatique et les inégalités. » La RBNZ aurait ainsi voulu intégrer « l'histoire et la culture indigènes de la Nouvelle-Zélande », au point « d'adopter une vision du monde Maori dans les opérations de la banque centrale. »
Ironie de l'histoire, pendant le mandat de Graeme Wheeler, la RBNZ a relevé les taux en prévision d'une accélération de l'inflation, mais a dû faire marche arrière lorsque celle-ci ne s'est pas matérialisée. Par la suite, M. Wheeler, loin de reconnaître une quelconque erreur, a insisté sur le fait que ce resserrement était justifié compte tenu des informations dont il disposait à l'époque.
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Sophie Rolland